QUAND LA VÉRITÉ VOUS ATTRAPE
Il est des élans qu'on vit depuis des
années, ignorant tout de leur origine.
Et un jour, fulgurante découverte.
Un homme écrit tout ce que vous portez
en vous sans parvenir jamais à l'exprimer.
Ce flux qui ne sait comment se
manifester engendre un sentiment d'étrangeté, une inquiétude
permanente. Ainsi vous passez votre existence à vous demander
pourquoi vous ceci plutôt que cela et pourquoi en dépit d'efforts
surhumains, vous ne parvenez pas à plonger dans ce monde dont les
règles absurdes vous glacent jusqu'aux os.
Vous essayez et vous ratez, chutez,
manquez sans cesse, jusqu'au jour où.
Jusqu'à aujourd'hui où, écoutant,
tout à fait au hasard, merveilleux hasard qui vous enveloppe et vous
guide chaque jour davantage, la voix que vous écoutez sans savoir
pourquoi, vous livre la réponse à cette question mise de côté à
force d'usure . Elle vient sans crier gare, vous attrape sans avant
même que vous ayez compris ce qui vous arrive. Vous vous retrouvez
au beau milieu de la cuisine à sangloter comme on le fait seulement
quand une chose inexplicable s'abat sur vous.
Une petite phrase anodine pour celui
qui n'est pas concerné, une petite phrase au beau milieu d'un texte
vous terrasse. La vérité, même toute simple quand elle éclate,
dissous toutes vos murailles, vos chaînes, vos peurs, vos manques,
vos colères, vos incompréhensions et vos hontes. La paix enfin. La
question cesse de vous tarauder. Vous voilà libéré, soulagé, si
fou de joie que votre pleurs prennent naissance dans votre ventre,
agite tout votre corps avant d'inonder votre visage. De votre corps
sort un cri. Celui de la stupeur absolue, celui qu'on pousse lors de
la délivrance.
Après ça, le calme, le silence, l'air
léger qui entre et sort de votre poitrine.
Instant de grâce.
Vous qui avez tant détesté la vie
l'aimez comme jamais.
Le chemin a été long.
Maintenant, vous sourirez au lieu de
vous mettre en colère.
Maintenant, vous êtes capable d'amour,
à peine maintenant
.
La petite phrase :
Un adulte n'a pas de temps à perdre à
nourrir les moineaux...
Christian Bobin, Cette vieillerie de Dieu
Vous voyez, je vous avais dit qu'elle
était anodine.